On s’attendait à une édition 2024 des 24 Heures du Mans de dingue et on l’a eue. Entre bagarres, accidents, safety cars et pluie, les ingrédients n’ont pas manqué pour pimenter la course. Au final, Ferrari l’emporte une 2e fois de suite alors que la marque n’a toujours pas gagné une seule manche WEC « classique ». Comme en 2023, son principal adversaire à la fin fut Toyota qui finit, de nouveau, 2e.
Ferrari, et de deux !
Pas forcément à la fête depuis le début de saison, pas dominateur non plus en Hyperpole jeudi, les Ferrari ont tout de suite montré qu’il faudrait compter avec les trois 499P. Dès le départ, les autos rouges ont pris les commandes et ce ne fut que bagarres et changements de positions avec Toyota et Porsche. Grâce à une stratégie très agressives, des pilotes qui restent en slicks sous la pluie et des dépassements osés, Ferrari a fait la différence. Après la victoire de la n°51 en 2023 d’Alessandro Pier Guidi, James Calado et Antonio Giovinazzi, équipage finalement 3e en 2024, c’est le trio de la n°50 qui l’emporte grâce au très rapide Antonio Fuoco, Miguel Molina et Nicklas Nielsen.
Des hauts et des bas pour la 499P AF Corse n°83. Robert Kubica a littéralement volé lorsque les conditions de piste se sont compliquées (gras mouillé, humide). Mais comme souvent, le Polonais, toujours aussi rapide, est chaud à tel point qu’il a poussé la BMW n°15 dans les rails à Mulsanne. Il a d’ailleurs pris 30 seconde de pénalité et perdu deux points sur son permis. Avec ses coéquipiers Robert Shwartzman, Yifei Ye, les trois hommes ont longtemps occupé la tête mais un gros souci électrique aux alentours de midi a forcé l’auto jaune à se retirer.
Toyota, encore une fois 2e…
Très souvent aux avant-postes, Toyota a fait une très belle course, mais a de nouveau échoué et face aux mêmes adversaires. La déception doit être énorme pour le constructeur japonais qui avait ciblé Le Mans comme objectif ultime en 2024. C’était la victoire ou rien. Mais de toutes petites erreurs (tête à queue, accident au warm-up, etc…) ont ralenti les « Toy ». La n°7 de José-Maria Lopez, remplaçant de luxe de Mike Conway, Kamui Kobayashi, Nyck de Vries finit 2e et marque de gros points au WEC, mais cela ne vaut une victoire en Sarthe. La n°8 de Sébastien Buemi, Brendon Hartley, Ryo Hirakawa termine elle 5e. Pourtant, c’est une Toyota GR010 Hybrid qui a fait le meilleur temps en course (Kobayashi en 3’28 »756), preuve que la perfo était là mais cela se joue à des micro détails.
Porsche, favori mais pas vainqueur
On avait prédit la victoire des 24 Heures du Mans 2024 à Porsche et Penske Motorsport, surtout après leur victoire aux 24 Heures de Daytona et au beau début de saison des 963. Il n’en sera rien. La meilleure d’entre elles, la n°6, auteur de la pole position et en tête au championnat du monde d’Endurance de la FIA, fait une belle course, mais le trio Kévin Estre, André Lotterer et Laurens Vanthoor doit se contenter de la 4e place. La faute peut-être à un petit manque de vitesse de pointe et d’accélération en sortie de virage. Deux places derrière, la n°5 de Matt Campbell, Michael Christensen et Frédéric Makowiecki échoue au pied du top 5…
Les deux 963 Hertz Team Jota n’ont jamais occupé la tête de course. Les deux autos « privées » finissent 8e et 9e, elles sont les deux dernières encore dans le tour de la Ferrari lauréate. Course très compliquée pour la 963 n°99 de Proton Competition de Neel Jani, Harry Tincknell et Julien Andlauer qui a connu des soucis dont un récurrent de Spa-Francorchamps il y a plus d’un mois : une de ses deux portes qui ne cessait de s’ouvrir ! Fou qu’à ce niveau un élément aussi singulier gâche une course.
La n°4 de Felipe Nasr, Nick Tandy et Mathieu Jaminet avait déjà eu des essais qualificatifs compliqués. Le Français a ensuite eu des soucis samedi en accrochant la Lamborghini Huracan Iron Dames n°85 écopant d’une pénalité et d’une obligation de réparer le numéro lumineux abimé. Pire, le dimanche peu avant 10 heures, le Brésilien est sorti de la piste à Indianapolis et a tapé les barrières de pneus. Il sort de sa voiture indemne, mais n’ira pas plus loin, abandonnant sa voiture sur place.
Cadillac ne réédite pas son exploit
Cadillac restait sur un podium au Mans et une 4e place en 2023. Mais que ce fut dur pour la marque de Detroit en proie à un déficit de pointe de vitesse. La Cadillac n°311 n’a jamais vraiment joué devant et sa course a terminé dans le mur de pneus à Indianapolis (Pipo Derani). Elle finit 29e au général, 15e des Hypercars. Au même moment, presque, la n°3 est annoncée au ralenti avec Scott Dixon. De retour au stand, le verdict tombe. « Alors qu’il restait près de six heures de course, une perforation du réservoir d’huile a été découverte sur la Cadillac V-Series.R n°3 pendant la période de la Voiture de Sécurité. En conséquence, la voiture de course a dû abandonner » déclare le team. Tous les espoirs se sont reposés sur la n°2 qui a été la plus performante des trois V-Series.R. Sur une stratégie décalée, elle est revenue en tête lors des dernières heures, mais une fois la pluie tombée en fin de course, elle a perdu le contact pour finir 7e à plus de deux minutes du vainqueur. A noter la belle prestation du double champion IndyCar Series, Alex Palou, pour sa première au Mans. Cependant, pas de podium pour Cadillac au Mans, le bilan WEC est pour le moment très pauvre en 2024.
Lamborghini à l’arrivée
Parfois critiqué ou moqué, Lamborghini a fait une course solide. Certes, les deux SC63 n’ont jamais pesé sur la course mais des trois constructeurs arrivés cette année avec deux autos (avec BMW et Alpine), la marque italienne n’a jamais vraiment connu de soucis. Les deux Hypercars sont à l’arrivée. La n°63, évoluant en WEC et pilotée par Mirko Bortolotti, Daniil Kvyat et Edoardo Mortara rentre dans le top 10. La n°19 de Romain Grosjean, Andrea Caldarelli, Matteo Cairoli se classe 13e. Romain Grosjean déclarait la veille de la course : « Finir la course et de continuer à prendre de l’expérience dans la voiture. » Objectif rempli avec, en prime, des milliers de données enregistrées pour la suite de la saison. Du positif !
Peugeot, le calice jusqu’à la lie
On a toujours entendu : la 9X8 est dessinée pour le circuit des 24 Heures. L’an dernier, les deux autos avaient tour à tour occupé la tête, mais cette année, les deux françaises ont été à la peine sur leur tracé fétiche. La n°94 de Stoffel Vandoorne, Paul Di Resta, Loïc Duval finit 11e à deux tours tandis que la n°93 de Jean-Eric Vergne, Mikkel Jensen et Nico Müller échoue à la 12e place suite à la sortie de piste du Suisse. Au final, les deux Peugeot sont encadrées par les deux Lamborghini. On attend mieux d’un programme commencé en juillet 2022. La 9X8 est la 2e plus ancienne Hypercar.
BMW en souffrance
Les essais qualificatifs puis l’Hyperpole avaient laissé entrevoir une éclaircie dans le ciel sombre du Mans. En réel progrès sur un tour lancé, ce fut plus dur en course. Sur la n°15, cela a été assez court : cela a commencé par Marco Wittman tapant le rail aux Esses de la Foret puis Dries Vanthoor a été percuté par la Ferrari 499P n°83 samedi soir au niveau de Mulsanne. Cet incident a occasionné une longue période de safety car pour remplacer les rails de sécurité. Sa course s’est arrêtée là. Pour la « Art Car » n°20, un gros impact au Raccordement avec des dégâts importants a eu raison de l’auto. Réparée dans son stand, elle a pu reprendre la piste le dimanche pour finir la course. Elle est la dernière à avoir franchi la ligne d’arrivée, mais ne sera pas classée, comptant 215 tours de retard. BW devra revenir au Mans pour faire mieux mais on peut compter sur l’expertise de l’équipe de Vincent Vosse, Team WRT.
Isotta termine ses 24 Heures…
Beaucoup pensaient qu’Isotta Frachnini, véritable petit poucet de cette 92e édition, serait la première équipe à abandonner suite aux décevantes prestations des deux premières manches WEC. Ce ne fut pas du tout le cas. La Tipo 6 LMH Competizione a tenu son rang, certes à neuf tours, mais s’est toujours maintenue dans le peloton des Hypercars, devançant pas mal de voitures qui ont eu des soucis. En tout cas, l’Hypercar italienne a tenu son pari : finir ses 24 heures et rien que pour cela, chapeau !
Alpine disparait en premier…
Il n’y avait plus d’Alpine en course après six heures. Tout a basculé en une heure ! Alors que l’Alpine A424 n°35 de Ferdinand Habsburg, Charles Milesi et Paul-Loup Chatin a cassé son moteur à Arnage, Nicolas Lapierre, alors au volant de la n°36, a été appelé au stand. Après analyse des mécaniciens, il n’a pu repartir. Pas de prise de risques au niveau du moteur Mecachrome ? Dommage car les deux A424 ont montré du potentiel lors des essais et des cinq premières heures comme le confirmait hier soir Philippe Sinault. Il faudra maintenant tenir plus longtemps.