David Clark et Sam Hignett, directeurs et fondateurs de Hertz Team Jota, étaient au centre des attentions le week-end de Bahreïn lors de la finale WEC. En effet, l’équipe disputait sa dernière course avec les Porsche 963 Hypercar avant de basculer sur un programme officiel avec Cadillac à partir de 2025. Endurance24 a fait le point avec les deux hommes…
Comment s’est passée la dernière course de l’année à Bahreïn ?
Sam Hignett : « La dernière course avec la Porsche 963 ne s’est pas déroulée comme nous l’espérions (la n°38 finit 7e tandis que la n°12 est 13e), mais nous avons au moins réussi à terminer deuxième de la Coupe du Monde des Hypercars avec notre n°38, ce qui signifie que nous avons verrouillé les deux premières places de ce classement pour les équipes privées. Il y a de quoi être fier. »
C’était aussi la dernière avec Porsche, avec un certain pincement au cœur ?
David Clark : « Je pense que ce l’est pour nous. Nous sommes d’ailleurs allés dîner un soir à Bahreïn avec Thomas Laudenbach (Vice President Porsche Motorsport) et Urs Kuratle (directeur partie compétition LMDh), Sam et moi. Je vais vous raconter une petite anecdote. J’étais un jour au Paul Ricard quand Reinhold Joest a pris livraison de sa première 956. Je suis allé là-bas avec Stefan Johansson, qui était très jeune à l’époque et Joest était présent également. Ce jour là, je me suis dit qu’un moment, cela pourrait être moi. C’est ce que nous avons fait, et du fond de mon cœur, quitter ce programme est un moment important pour nous, mais pour l’entreprise, dans l’intérêt général, nous avons décidé de passer chez General Motors. Je le dis, du fond du cœur : nous voulions quitter Porsche de la meilleure des manières et sur une bonne note. S’ils nous avaient laissé gagner ici à Bahreïn, cela aurait été super aussi, encore mieux (rires). Je le redis, pour l’équipe, passer avec Cadillac est une étape importante, c’est très excitant. Le problème est que lorsque vous obtenez une belle chose, vous voulez toujours une chose encore plus belle par la suite. Quoi qu’il en soit, nous sommes heureux. »
Cadillac va être une nouvelle étape pour vous. Si vous regardez en arrière, que retenez vous des années LMP2 et de l’expérience Porsche ?
D.C « J’ai trouvé les années LMP2 fantastiques. Il y a une chose intéressante à ce sujet. Nous ne nous sommes pas contentés de regarder le LMP2, mais nous y avons gagné. Nous avions le même était d’esprit avec l’Hypercar. Pour nous, c’était une époque formidable. »
S.H : « Je pense que si nous regardons les faits marquants, Le Mans 2017, je ne pense pas qu’aucun d’entre nous ait vraiment vécu ou compris l’ampleur à l’époque, est probablement, encore aujourd’hui, la plus grande chose que nous avons faite. Cette victoire est toujours l’événement dont tout le monde veut parler et dont on se souvient le plus.
Je pense que Le Mans 2022 a aussi été un grand succès. Je dirais même que c’est notre plus belle réussite avec le championnat WEC la même année, avec tous ces pilotes Silver qui se battaient contre notre pilote d’âge moyen, assez lourd, Mexicain (Roberto Gonzalez), un vrai pilote Silver. C’est grâce à l’équipe, à Will (Stevens) et à Antonio (Felix da Costa) que tout cela a été possible et ils ont fait de Roberto un vrai pilote Silver. Il avait 46 ou 47 ans et pesait 100 kilos. Pourtant, nous avons continué, gagné et battu tous ces Silver. Je pense que c’est notre plus grande réussite.
Évidemment, Spa a été un grand succès cette année avec la Porsche 963. Certes, un gros coup de chance, mais nous avons aussi su en tirer le meilleur parti. Nous avons été les seuls, avec Penske, à décider que l’accident (qui a provoqué le drapeau rouge) était suffisamment grave que cela valait la peine de rentrer aux stands avant qu’il ne se passe quoi que ce soit d’autre ! Nous pensions seulement qu’il y aurait une voiture de sécurité, mais même si cela avait été le cas, nous aurions quand même gagné parce qu’il était très clair à Spa que la voiture était forte. Cela reste un très bon souvenir. »
Nous avons évoqué ce long voyage. Dans les courses d’endurance, devenir représentant officiel General Motors, qu’est-ce que cela représente pour vous ? Un accomplissement ? Une fierté ?
S.H : « Oui, absolument. Nous sommes l’une des premières structures, si ce n’est la première, à avoir tracé notre propre voie dans le domaine des courses de voitures de sport. Nous ne sommes pas une super équipe d’IndyCar qui avait une relation existante avec un constructeur ou quoi que ce soit de ce genre, ni une équipe de F1. Nous sommes passés par toutes les étapes, en étant équipe privée en LMP2, puis en tant que privé en Hypercar. Je pense que nous sommes en train de prouver à toutes les autres équipes que n’importe laquelle d’entre nous peut le faire. »
D.C : « C’est comme si votre rêve devenait réalité, c’est aussi simple que cela. Je pense que nous avons tous des rêves, mais que lorsque vous les réalisez, c’est quelque chose de spécial, pas seulement pour nous, mais aussi l’équipe de course et tout le monde chez Jota. C’est une réussite particulière ! »
Comment se sont passés les premiers contacts avec General Motors et comment s’est fait l’accord entre vous et le constructeur ?
S.H : « Lors de la première manche, il y a quatre ans (1er mai 2021), nous avons évidemment discuté avec tous les constructeurs, car nous étions l’une des principales équipes de LMP2. Malheureusement, les constructeurs se sont tournés vers ce qu’ils connaissaient, à savoir les super équipes d’Indy, etc… Nous avions déjà établi une relation avec la direction générale de General Motors et nous sommes restés en contact avec elle. Au milieu de l’année dernière, nous avons commencé à discuter davantage. Fin 2023, les discussions sont devenues plus sérieuses, et en début d’année, très sérieuses. De plus, Cadillac n’engageait qu’une seule auto et on avait eu vent de cette obligation de passer à deux par équipe. »
Ce sera votre troisième année ou presque en Hypercar. Comment allez-vous utiliser l’expérience acquise avec Porsche dans ce nouveau programme ? En évitant certains pièges surtout que ce sera encore une LMDh ?
S.H : » Oui. Le système hybride est le même, les données de sorties (output) et le logiciel sont différents. Mais nous savons ce qu’il faut en termes de ressources humaines du côté de la mécanique et de l’ingénierie, ce qu’il faut pour faire rouler une Hypercar de manière compétitive. Nous avons appris énormément de choses et ce nouveau changement pour nous est bien moins important que celui de passer d’une LMP2 à une Hypercar. Il s’agit d’un moteur différent, dans un châssis différent mais la chose la plus compliquée, c’est le système hybride donc nous avons déjà la connaissance et la maîtrise. Même cette année, en passant à deux Hypercar, c’était un changement moins important. »
Quand aura lieu le premier contact avec la voiture et quel sera votre programme d’essais au cours du mois suivant ?
S.H : « La semaine prochaine, le programme commence sérieusement. Ensuite, le plan consistera à faire plusieurs séances d’essais d’ici la fin de l’année. Pour ce qui est des pilotes, je ne peux rien vous dévoiler pour le moment, l’annonce sera faite le 14 novembre, mais je peux vous dire qu’il n’y aura rien de surprenant. »