Kévin Estre était aux anges ce samedi soir à Bahreïn. Le tout nouveau champion du monde WEC est passé par tous les sentiments, vivant une course faite de hauts et de bas. Au final, il touche le Graal et il lui reste encore un (gros) objectif : les 24 Heures du Mans !
Comment avez-vous vécu votre course ?
« Incroyable. C’est une course folle. On est mal parti. Laurens se fait taper deux fois par la Ferrari. On se retrouve P16 avec les deux Toyota en tête et en sachant que ça allait être dur. Mais on a gardé la tête baissée, on est resté concentré et on est revenu à la quatrième heure. Quand je suis monté dans la voiture, la température a commencé à baisser et je pense que l’équilibre est venu ainsi qu’un bon rythme. J’ai pu doubler pas mal de voitures et remonter. Après, André a gardé cette position, même a gagné une ou deux places. Puis il y a eu les safety cars, Laurens était dans les trois premiers. Et puis après, des pénalités, des erreurs par ci, par là. Des erreurs qu’on n’a pas faites cette année, Laurens plus ou moins les a faites aujourd’hui, mais ce n’était pas grave. La Toyota n°7 était déjà derrière et la n°50 ne marquait pas de points. Donc, au final, on a pu se permettre ces erreurs ! »
Vous avez beaucoup souffert avec les pneus ?
« Oui, surtout en début de course. Après, c’était tout le monde, je pense. Personne n’était vraiment très à l’aise, on voyait toutes les voitures avec des pneus différents, même Toyota, qui est normalement très fort là-dessus et très constant. C’est un peu les modèles des courses où la gestion des pneus est difficile, c’est toujours eux qui s’en sortent le mieux. Et là, ils avaient une voiture en hard, une en médium et il y a des moments où on était aussi bien, voire mieux qu’eux. C’est sûr que c’est une course de pneus et on le savait depuis le début. Le début a été dur, la fin aussi, mais je pense qu’on avait la bonne stratégie. On a mis les bons pneus au bon moment. Sans les pénalités de fin et une petite erreur stratégique, on aurait pu se battre aujourd’hui, non pas pour la victoire peut-être, mais pour un podium. »
Ce titre est le résultat d’une une saison très constante…
« On a été très bons, je pense, sur toute l’année. On a été plus constants que les autres. On a marqué vraiment le maximum de points à toutes les courses qu’on a faites jusqu’à aujourd’hui par rapport à la performance qu’on avait. On a été la première Porsche sur presque toutes les courses sauf à Spa, mais la Jota était un petit peu plus vite que nous. On a gagné les deux courses sur lesquelles on était les plus vite. On a fait des podiums sur les courses où on était plutôt P5 en perfo, à Austin, on a souffert un peu. Au Mans, on finit 4e, on sauve des points. Ici, on a une course un peu difficile, mais c’est pour ça, je pense, qu’on gagne ce championnat. »
Vous avez commencé en Carrera Cup, passé par une belle victoire au Mans en GTE Pro. Que représente tout ce chemin parcouru pour arriver au sommet : champion du monde WEC ?
« C’est incroyable, ce chemin. Quand j’ai commencé ma carrière dans le sport automobile très jeune, le rêve était de faire de la Formule 1. Après mon année de Formule Renault, j’ai dû basculer en Carrera Cup qui était un choix un peu obligé à ce moment-là parce qu’on n’avait pas le budget pour faire mieux que ça. Mais à partir de ce moment-là, mon but a été d’être pilote officiel Porsche et de me battre pour la victoire en général au Mans et dans ce championnat du monde. Entre-temps, j’ai pu gagner quelques courses en GT, de grandes courses en GT, être champion du monde en GT et montrer que j’étais capable de faire le job.
Porsche m’a donné l’opportunité de faire partie des pilotes Hypercar. On a eu une saison difficile l’année dernière et là on gagne le championnat Pilotes. Je reviens un peu de loin. Je viens d’une famille du sport auto, mais qui n’est pas aisée du tout, donc devenir pilote professionnel, c’est difficile ! D’être aujourd’hui de champions du monde d’endurance devant de très gros teams, d’anciens pilotes de Formule 1, de pilotes qui ont gagné Le Mans beaucoup de fois, c’est une grande fierté. Ça prouve qu’au final qu’il y a beaucoup de pilotes dans le monde qui seront capables, peut-être, de se battre contre des pilotes de Formule 1, ce qui n’est pas forcément ce que pense la plupart des gens. J’espère que l’Endurance va continuer de boomer comme qu’on va avoir de plus en plus de téléspectateurs, de spectateurs qui viennent voir les courses et qu’on ait un peu la reconnaissance qu’on mérite, non pas par la presse spécialisée parce qu’on l’a, mais par la presse généraliste. Aujourd’hui, je suis très content, très fier de ce que j’ai accompli. »
Votre prochaine cible sera Le Mans ?
« Oui, ça a toujours été ! En 2023, on en était assez loin, mais cette année, pas très très loin. C’est sûr que là, c’est la prochaine étape. On est champions du monde, maintenant, il faut gagner le Mans ! »
Tout cela va donner envie à votre petit frère qui roule en monoplace (en F4 France)…
« Je pense qu’il a envie depuis tout jeune. Il est encore axé sur la monoplace et j’espère pour lui qu’il arrivera à y faire une carrière. Et si ça se fait pas, je pense que je suis un bon exemple dans la famille pour montrer qu’on peut faire une carrière dans le sport auto sans faire de la Formule 1 et qu’on en est très heureux. Je pense qu’aujourd’hui, dans le paddock, il y a beaucoup plus de pilotes heureux que dans le paddock de F1. En tout cas, moi, je suis très fier, très content d’en être là aujourd’hui. »